Chapitre 3 : Au pied du mur
- shwdolls
- 11 nov. 2024
- 6 min de lecture
Je repense à la promesse faite à Bruno la veille : Nous sommes tes amis et nous sommes là pour t'aider. J'irai voir mon père.
Dès la première heure, je me rends dans les bureaux de mon père.


Lorsque je franchis la porte du bureau, je me sens angoissée car je sais que rencontrer Monsieur Sayu Novak sur son lieu de travail n'est jamais anodin. Dès qu'il passe les portes de son empire, l'homme change, se métamorphose en une figure autoritaire, inaccessible. L'aura de mon père, sa stature imposante et son visage durci par l'expérience, imposent un respect mêlé de crainte caractérisés par son katana, ses pieds nus, ses hommes de main et surtout son chien. Un vrai gangster !!
_ Tu es bien matinale, ma fille. Quand tu viens me voir aussi tôt, c'est que tu as besoin de quelque chose, n'est-ce pas ?"
_ Papa, excusez-moi... Monsieur Novak, pourrions-nous avoir une discussion en privé, s'il vous plaît ?"
À peine les mots s'étaient-ils échappés que je regrette mon hésitation sentant le regard des hommes de main. La gêne dans ma voix trahit ma nervosité.
Sayu, notant l'inconfort de sa fille, fait un geste de la main, les hommes de main qui occupent la pièce s'éclipsent sans un bruit, refermant la porte derrière eux.

Enfin seuls, le visage dur de Sayu s'adoucit, une transition subtile, mais bien réelle. L'homme derrière le masque du magnat se laisse entrevoir.
Alex : "Papa, pourquoi es-tu si dur avec eux ? Ne trouves-tu pas que tu en fais un peu trop ? Ils sont humains, après tout. J'ai toujours cette sensation d'oppression ici, et ce chien, il est tout simplement effrayant. Je n'aime pas venir ici rien que pour cela."

_ Premièrement, personne ne regarde ma fille de travers. Deuxièmement, tu sais très bien qu'ici la sécurité est primordiale. Mes concurrents sont impitoyables, je préfère que tu ne viennes pas ici. Souviens-toi, c'est toi qui as insisté pour ne pas recevoir de traitement de faveur pendant ton stage ici. J'ai respecté ton choix." Il rit doucement, mais ses yeux trahissent une inquiétude constante pour la sécurité de sa fille.
Sayu : "De toute façon, j'allais m'entraîner. Viens avec moi, on pourra discuter de ce que tu souhaites en chemin."
En le suivant, je ressens la complexité de notre relation : un mélange d'amour inconditionnel et de barrières professionnelles et malgré son extérieur implacable, montre combien il tient à me protéger, prêt à adoucir ses traits pour un instant de connexion avec moi.

Au bureau, plongée dans les subtilités du délai de contestation d'une saisie conservatoire, je suis brusquement tirée de ma concentration par l'irruption de Norbert, essoufflé, comme s'il venait de gravir une montagne. Je me lève par respect, bien que réticente.
_ Ah, Gabrielle, je vous attendais avec impatience. J'ai une bonne nouvelle pour vous, nous avons un nouveau client, et celui-là, il ne faut pas le laisser filer."
_ Eh bien, donnez-moi plus d'informations."
_ Je ne sais pas pourquoi, mais il ne veut que vous et personne d'autre pour cette affaire. Martin se chargera de vos dossiers pour le moment, c'est une affaire d'homicide involontaire, vous allez assurer, Gaby."
_ Vous savez très bien que ma spécialité est le droit des sociétés, je n'ai jamais traité d'homicide. J'ai déjà beaucoup de travail. J'aimerais avoir un délai de réflexion, mais j'en déduis qu'il y a un enjeu important... soit dit en passant, je vous rappelle que nous ne sommes pas amis. Ne m'appelez pas Gaby.."
_ C'est pour cela que vous ne vous occuperez que de cette affaire, je vous décharge de vos autres dossiers en cours."
_ Pourquoi devrais-je transmettre mes dossiers alors que je travaille dessus depuis des mois ? Je ne veux pas accepter cette affaire.
_ Vous avez peur, Gabrielle, mais vous n'avez pas le choix. Il insiste pour nous payer une somme considérable dès maintenant, puis le double de cette somme ainsi que les honoraires une fois le dossier traité. Prenez son numéro de téléphone et contactez-le immédiatement. Nous avons besoin de cet argent, vous connaissez très bien la situation du cabinet.
Agacé et sans aucune gêne, Norbert s'approche de moi, glissant un bout de papier chiffonné dans la poche avant de ma jupe, insistant lourdement. Mon indignation monte en flèche.
_ Comment osez-vous ? Je ne vous permets pas ! Je refuse de répondre à cela. Je suis restée calme jusqu'à présent, mais je ne suis pas votre pion. Débrouillez-vous avec cette affaire, vous avez le toupet de pensez que je vais accepter un pot-de-vin comme vous le faites régulièrement ?
_ Harvey, ne me parlez pas sur ce ton. Vous allez accepter, un point c'est tout. J'ai conclu un accord avec lui. Il est hors de question de faire marche arrière. Il n'attend que votre approbation pour valider la transaction. Songez à ce que nous pourrions faire avec cette somme. Si vous ne vous soumettez pas, vous...”
_ Soumettre ?! N'y pensez même pas. Je ne prendrai pas cette affaire.
_ Vous faites une belle erreur, pauvre folle. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi, après tant d'entretiens ratés, vous avez été recrutée ici ? C'est grâce à votre père. Sans lui, vous ne seriez rien ! Vous êtes finie avant même d'avoir commencé. Personne ne voudra de vous.
_ Vous me menacez ? Vous n'avez aucun droit sur moi. Je m'en sortirai très bien sans vous. Vous pouvez prendre en considération ma démission qui prend effet immédiatement.
_ Prenez garde, Harvey, vous allez le regretter.
Norbert saisit un dossier d'un geste brutal et quitte la pièce en furie, jetant le dossier en direction de la porte. Les feuilles s'envolent comme des oiseaux effrayés.
Je retourne à mon bureau déterminée, je rassemble mes affaires en ignorant les regards silencieux de ses collègues, et quitte le cabinet la tête haute, sans me retourner.
Dans la salle d'entraînement

_ Papa, je vais être directe. J'ai vraiment besoin de ton aide. Le père de Bruno a eu un AVC récemment. Avec cette terrible nouvelle, j'ai peur que Bruno ne sombre complètement sous le poids de la gestion du bar.
_ Ma fille, je ne peux pas résoudre les problèmes de tout le monde, tu le sais très bien. Ton ami doit apprendre à se débrouiller seul. S'il a besoin d'aide, il peut toujours demander une formation en management à Kumiko.
_ Mais papa, tu ne peux pas oublier que le père de Bruno a travaillé loyalement pour toi pendant des années. Personne ne s'attend à ce genre de tragédie. Ce n'est pas de formation dont il a besoin maintenant, mais d'un soutien financier. Il rencontre d'énormes problèmes avec la banque.
_ Certes, son père a été mon employé, mais je ne lui dois rien. Il a été payé généreusement pour son travail. J'ai des affaires plus urgentes à régler. Ton ami doit apprendre à se battre pour ce qu'il veut, ce sont les bases de la vie. De plus, il a de la chance, je lui offre l'aide la plus précieuse qui soit : TOI. Je suis sûr que tu trouveras une solution, Alex. Cette discussion est close.
Je comprends que convaincre mon père est une cause perdue. Comment vais-je expliquer à Bruno que son appel à l'aide a échoué ?


De retour à son bureau, Monsieur Sayu Novak s'installe lourdement dans son siège en cuir, pensif. Il décroche alors son téléphone.
La secrétaire : "Hôpital Ella Baker, bonjour. Que puis-je faire pour vous ?"
Sayu : "Passez-moi le Docteur Masson..."

Je descends les escaliers, consciente que c'est la dernière fois que je franchis la porte du cabinet "Filip et associés". Arrivant près du portail, je prends une profonde inspiration. Le concierge m'adresse un sourire surpris et me montre sa montre. C'est probablement la première fois en deux ans qu'il me voit partir avant le crépuscule. Je viens lui serrer la main pour lui dire au revoir.
J'arrive au parc, faisant les cent pas, ne sachant quoi faire. Norbert m'a poussée à bout. J'ai peut-être agi de manière impulsive, mais je ne pouvais plus supporter cet homme condescendant.
Je me décide à prendre le bus et j'arrive à destination. Je traverse la longue allée bordée de grands sycomores. La grande propriété se dresse devant moi, ses clôtures offrant une protection partielle à l'intimité des lieux.
Face à la grande porte blanche, je sonne. Personne ne répond. Je sonne une seconde fois, et la porte finit par s'ouvrir.
Je le vois.
Ma voix se brise, étouffée par des sanglots retenus : "Papa, j'ai besoin de toi."

Dis-moi tout
Demander de l’aide est souvent perçu comme un signe de vulnérabilité, mais en réalité, c’est un geste puissant qui apporte de nombreux bienfaits, tant pour soi que pour les autres.
Tout d’abord, solliciter l’aide de quelqu’un permet de renforcer les liens. En reconnaissant qu’on a besoin d’un soutien extérieur, on crée des moments d’échange et de complicité qui solidifient les relations. C’est également un moyen d’accélérer la résolution des problèmes. Avec le recul et l’expertise des autres, les solutions viennent souvent plus vite et plus efficacement.
De plus, demander de l’aide introduit une diversité des points de vue, essentielle pour élargir notre compréhension d’un sujet ou d’une situation. Cela permet de voir les choses sous un nouvel angle, enrichissant ainsi notre réflexion. En outre, en sollicitant quelqu’un, on lui offre la possibilité de se sentir utile et valorisé, car chacun aime savoir que ses compétences et son savoir-faire peuvent faire une différence.
Enfin, demander de l’aide est un acte de courage et d’affirmation. Cela montre qu’on est capable de reconnaître ses limites sans crainte, et que l’on sait se tourner vers les autres en toute humilité et en toute confiance.
En bref, loin d’être une faiblesse, c’est une preuve de maturité et de force intérieure.
Prochain chapitre : Dimanche 17 novembre à 21h00 (heure française)
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